De la monnaie des voyous… à la révolution silencieuse
Je l’avoue, pendant longtemps, la crypto-monnaie m’a inspiré une profonde méfiance.
Dans mon esprit, elle appartenait à l’univers trouble des transactions occultes, aux marges d’un internet souterrain où se mêlent fraudeurs, trafiquants et hackers insaisissables. Un simple outil au service de l’opacité.
En 2017, Jamie Dimon, PDG de JPMorgan Chase (l’une des plus grandes banques d’investissement au monde) affirmait que le Bitcoin ne servait qu’aux trafiquants de drogue et à des pays comme la Corée du Nord !
Lorsque de telles déclarations proviennent d’un acteur majeur de la finance mondiale, elles pèsent lourd dans la perception publique et renforcent l’idée que la crypto-monnaie serait avant tout un instrument suspect, relégué aux marges de l’économie légitime. Des mots durs, qui semblaient sceller le destin de cette invention numérique dans l’imaginaire collectif.
Et pourtant …
L’autre visage de la crypto
En réalité, la technologie qui la sous-tend — la blockchain — est fascinante.
Imaginez un registre universel, où chaque transaction est inscrite à l’encre indélébile. Ce registre n’est pas gardé dans un coffre, mais recopié et mis à jour sur des milliers d’ordinateurs partout dans le monde. Chacun vérifie le travail des autres, ce qui rend toute falsification (presque) impossible.
De ce registre est née la crypto-monnaie : une monnaie numérique, indépendante des banques, qui circule directement d’une personne à l’autre, un peu comme un e-mail… mais pour de l’argent. Grâce à ce système, le problème de la double dépense est éliminé et il devient possible d’automatiser des transactions via des contrats intelligents (smart contracts) capables d’exécuter seuls les conditions prévues, ouvrant la voie à une multitude d’applications innovantes bien au-delà de la monnaie.
Certains voient là la première pierre du Web 3.0, un internet décentralisé où chacun reprend possession de ses données et où les règles ne sont plus dictées par quelques grandes plateformes, mais inscrites dans des programmes transparents.
Et si vous n’avez rien compris à ce que je viens de dire…
… voici la version pour ma grand-tante qui n’a jamais ouvert un compte PayPal :
La blockchain, c’est comme Google Docs : tout le monde voit la même page en même temps, et si quelqu’un essaie de tricher, tout le monde le remarque immédiatement.
La crypto-monnaie, c’est comme si ce document servait de carnet de comptes mondial dans lequel on peut s’envoyer de l’argent directement, sans passer par une banque. On ne peut pas dépenser deux fois le même billet car le carnet vérifie automatiquement que l’argent n’a pas déjà été utilisé. Comme c’est un carnet un peu magique, on peut y inscrire des règles qui s’appliquent toutes seules. Par exemple : « Si tu me livres mes légumes avant vendredi, le paiement part automatiquement.” Ces règles automatiques, ce sont les contrats intelligents et elles peuvent servir pour mille autres choses que l’argent.
Et, enfin, le Web 3.0, c’est comme si tout internet fonctionnait sur ces principes, sans chef central.
Et l’avocat dans tout ça ?
Il y a quelques années, l’idée qu’un client puisse régler mes honoraires en Bitcoin m’aurait semblé incongru. Aujourd’hui, je sais que c’est possible et parfaitement légal. En tout cas rien ne l’interdit, puisque la valeur est fixée au moment du transfert, ce qui permet de déterminer avec certitude le montant dû, à condition que ce mode de paiement soit prévu dans la convention d’honoraires.
En pratique, il faut :
- Disposer d’un portefeuille numérique (wallet) pour recevoir la somme
- Fixer le montant en crypto en se basant sur le taux de conversion au jour du paiement.
- Choisir de conserver la cryptomonnaie ou de la convertir immédiatement en euros.
Rien de magique, mais cela demande un peu d’organisation et d’anticipation. Et c’est aussi la preuve qu’un cabinet d’avocat peut s’ouvrir à ces nouvelles pratiques, sans rien perdre de sa rigueur.
Peut-être qu’un jour, le paiement en crypto sera aussi banal qu’un virement bancaire. En attendant, il reste pour moi le symbole d’un pont entre deux mondes : celui du droit, attaché à la stabilité, et celui d’un internet qui réinvente ses règles.
Pour aller plus loin :
🔗 Cryptomonnaie, blockchain, Web3 et NFT pour les nuls
🧠 Article 11.5 Mode de règlement des honoraires du RIN
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