Gérald Darmanin devait inaugurer l’extension de la maison d’arrêt de Nîmes. Mais une table de massage découverte dans l’établissement a suffi à provoquer l’ire ministérielle et l’annulation de la visite. Scandale national : un meuble de kiné dans une prison ! Pendant ce temps, 500 détenus s’entassent dans 192 places, mais qu’importe. L’État ferme les yeux sur le chaos carcéral, tant qu’il peut s’offrir une indignation théâtrale contre un symbole ridicule.
La surpopulation carcérale, le vrai sujet, disparaît dans cette mise en scène politique. On nous explique depuis des années que c’est un problème « multifactoriel », complexe, insaisissable. Traduction : on se défausse. Pourtant, les causes sont connues.
D’abord, la politique pénale est de plus en plus répressive. Chaque fait divers devient une loi, chaque loi un nouveau motif d’incarcération. La prison est devenue la réponse automatique, le réflexe pavlovien de la justice.
Certains invoquent le fameux « ensauvagement » de la société. La violence exploserait, la délinquance grimperait, et la prison ne serait qu’une juste réplique. Mais derrière ce récit anxiogène, ce sont surtout des perceptions et des statistiques instrumentalisées. La prison est le paravent commode de la peur.
On nous ressert aussi l’argument du manque de places. Comme si les prisons se remplissaient d’elles-mêmes. L’État construit, inaugure, promet… sans jamais rattraper le rythme des condamnations. Un cercle vicieux bien pratique, qui dédouane tout le monde.
Tout le monde… même ceux qui décident vraiment. Car au bout de la chaîne, il ne faut pas l’oublier, ce ne sont pas les ministres, ni les députés, ni même les journalistes qui envoient les gens en prison. Ce sont les juges.
Chaque mandat de dépôt, chaque révocation, chaque peine ferme, c’est un magistrat qui la prononce. On pourra accuser le législateur de multiplier les textes, le gouvernement de souffler sur les braises sécuritaires, la société de réclamer toujours plus de sévérité. Mais le pouvoir de remplir les prisons appartient, in fine, à ceux qui jugent.
Alors oui, la surpopulation carcérale est un scandale. Oui, elle est indigne de la République. Mais elle n’est pas une fatalité tombée du ciel. Elle est le produit de centaines de décisions judiciaires.
On peut rire d’une table de massage. Mais la vraie provocation, c’est d’entasser trois hommes dans neuf mètres carrés, jour après jour, sous l’autorité des magistrats.
Un jour, il faudra cesser de faire semblant et poser la seule question qui fâche dans cette situation : qui jugera les juges ?
Pour aller plus loin :
🔗 Statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée
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Photo de Cameron Casey